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Le Paysan de Parisest un ouvrage de [./https://fr.wikipedia.org/wiki/Louis_Aragon Louis Aragon] publié aux Éditions Gallimard en 1926 et dédié au peintre surréaliste [./https://fr.wikipedia.org/wiki/Andr%C3%A9_Masson_(artiste) André Masson]. Le livre se compose de quatre textes: « Préface à une mythologie moderne », « Le Passage de l’Opéra », « Le Sentiment de la Nature aux Buttes-Chaumont » et « Le Songe du paysan », dont le premier et le dernier figurent respectivement comme introduction et comme conclusion au livre.

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Genèse du texte

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Le Paysan de Parisa été rédigé entre 1923 et 1926. Avant la publication de l’ouvrage complet, les textes « Préface à une mythologie moderne », « Le Passage de l’Opéra » et « Le Sentiment de la Nature aux Buttes-Chaumont » ont paru sous forme de feuilleton entre juin 1924 et octobre 1925 dans La Revue Européennedirigée par [./https://fr.wikipedia.org/wiki/Philippe_Soupault Philippe Soupault]. En avril 1925 une douzaine d'aphorismes du « Songe du Paysan » ont été publiés dans la revue La Révolution Surréaliste. Alors qu’Aragon rédigeait Le Paysan de Paris, le premier [./https://fr.wikipedia.org/wiki/Manifeste_du_surr%C3%A9alisme Manifeste du Surréalisme]d’[./https://fr.wikipedia.org/wiki/Andr%C3%A9_Breton André Breton]était publié en octobre 1924.  

Pendant la rédaction du Paysan de Paris, Aragon se trouvait dans une situation personnelle particulière : après avoir quitté définitivement ses études de médecine en 1922, l’écrivain a vécu deux amours profonds. Il tombe amoureux de Denise Lévy entre 1923 et 1924. Ensuite, entre 1924 et 1925, il entretient une relation amoureuse avec [./https://fr.wikipedia.org/wiki/Eyre_de_Lanux Eyre de Lanux], immortalisée à travers la figure de la « Dame des Buttes-Chaumont »[1]et dont l’histoire d’amour est évoquée dans « Le Songe du Paysan »[2]

La position d’Aragon dans le panorama littéraire de l’époque n’était pas moins complexe : bien que Le Paysan de Pariss’inscrive dans le cadre surréaliste, Aragon a toujours gardé une position instable par rapport au groupe, en se présentant comme écrivain libre[3]. Une allusion à la distance d’Aragon vis-à-vis du groupe surréaliste est repérable dans Le Paysan de Paris: « c'est là que je commençai à sentir un peu mieux la grandeur d'un très petit nombre de ces compagnons d'habitude, et la mesquinerie de la plupart » [4]

Le Paysan de Parisne fut pas bien accueilli par la critique et par le public. La réprobation vient du groupe surréaliste aussi: en occasion de la première lecture au groupe, Aragon parle d’un « déluge de mots indignés »[5]

Le Paysan de Paris, aujourd’hui considéré comme ouvrage d’orientation[6], a été jugé par Aragon lui-même comme un exercice à la recherche de nouveaux horizons linguistiques.

Le Paysan de Pariset la poétique d’Aragon

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Le Paysan de Parisrelate la promenade poétique du jeune Aragon dans le Paris des années ‘20. L’écrivain, à la quête du « merveilleux quotidien »[7], adopte le regard naïf d’un paysan qui découvre les lieux emblématiques de la capitale française, riche en mystère et en suggestions. Dans « Le Passage de l’Opéra », Aragon fournit une description détaillée et onirique du passage éponyme, voué à disparaître en 1925. « Le Sentiment de la Nature aux Buttes-Chaumont » retrace la balade nocturne de l’écrivain avec ses amis [./https://fr.wikipedia.org/wiki/Andr%C3%A9_Breton André Breton]et [./https://fr.wikipedia.org/wiki/Marcel_Priollet Marcel Noll]dans le célèbre parc parisien.

Difficile à classer, Le Paysan de Parisest un ouvrage au genre incertain[8]: riche en images lyriques, la prose du livre cache des éléments poétiques, comme des anaphores, des vers blancs (dont des alexandrins) et des associations phoniques. Le passage consacré à la blondeurdans « Le Passage de l’Opéra » en témoigne :

Le passage dédié à la femme dans « Le Sentiment de la Nature aux Buttes-Chaumont » est un ultérieur exemple de mélange de prose et de poésie :

Dans Le Paysan de Paris, les descriptions réalistes et minutieuses anticipent l’essor du lyrisme : le passage relatant la blondeursuit la description de la révolte des commerçants du [./https://fr.wikipedia.org/wiki/Passage_de_l'Op%C3%A9ra Passage de l’Opéra]; l’éloge à la femme se situe après la description minutieuse de la colonne qui décore le rond-point du [./https://fr.wikipedia.org/wiki/Parc_des_Buttes-Chaumont Parc des Buttes-Chaumont]. Aragon se sert du réalisme mais il le dépasse, pour aboutir à une dimension inconnue et poétique.

La juxtaposition de références littéraires (par exemple, l’allusion aux poèmes de [./https://fr.wikipedia.org/wiki/Charles_Baudelaire Baudelaire]« À une passante » et « Les phares »)[9], d’exercices de pastiche ou plagiat, de méditations philosophiques, d’éléments variés (publicités, affiches, jeux typographiques) et de dialogues s’inscrit dans le caractère hétérogène du Paysan de Paris. Inspiré du mouvement Dada, le collaged’éléments répond au refus de tout type de classification de la part d’Aragon. En effet, l’écrivain trouve « infimes » les distinctions entre les genres: « poésie, roman, philosophie, maxime, tout m'est également paroles ».[10]Les effets de rupture induits par les différentes formes de collage actualisent le texte en reproduisant le rythme de la déambulation dans la ville avec ses arrêts. Par l’irruption d’une hétérogénéité, le texte élabore une nouvelle forme de cohérence et devient une métaphore de la flânerie dans les rues de la ville qui est « transcrite » et non plus « décrite »[11]

La présence de l’univers théâtral amplifie le phénomène d’hétérogénéité intrinsèque à l’ouvrage:

Luc Vigier souligne également que Le Paysan de Parisfait référence au cinéma scientifique: « Ce sont les clients du tailleur, je les vois défiler comme si j’étais un de ces appareils de prises de vues au ralenti qui photographient le gracieux développement des plantes » écrit ainsi Aragon. ( Vigier, Luc, Aragon et le cinéma,“Le cinéma des poètes”,  Nouvelles éditions Jean-Michel Place, Paris, 2016.)

Aragon cherche aussi à saisir l’étrangeté de la réalité moderne[12] : « Ce sont ces contraires mêlés qui peuplent notre vie, qui lui donnent la saveur et l’enivrement. Nous n’existons qu’en fonction de ce conflit, dans la zone où se heurtent le blanc et le noir »[13].

Paris est pour Aragon le laboratoire d’une mythologie moderne[14], qui « se noue et qui se dénoue »[15]au fur et à mesure que l’écrivain en explore les lieux emblématiques. Dans la ville, devenue forme poétique elle-même, l’écrivain recherche le mythe dans la réalité la plus concrète et dans le contemporain. Insaisissables et éphémères, ces éléments assument des significations poétiques et mythologiques[16] : « la notion, ou connaissance du concret, est donc l’objet de la métaphysique. C’est à l’apercevoir du concret que tend le mouvement de l’esprit »[17].

Contrairement à la mythologie ancienne, la mythologie moderne s’appuie sur des objets concrets, quotidiens et, par conséquent, périssables. Leur caractère temporel permet la révélation d’une réalité inconnue et ils lui dévoilent la dimension éphémère et transitoire de l’homme et du monde :

La soudaineté de la révélation du sens mythique et ses implications sont expliquées par Aragon à travers la métaphore du frisson :

La poésie, les images et l’amour sont des voies privilégiées pour accéder au sens mythique du concret dans la réalité contemporaine. De plus, l’absence de lumière naturelle et les lieux parisiens choisis par le poète favorisent l’essor de la dimension inconsciente: le passage, en tant que lieu intermédiaire; le jardin, en tant que lieu d’expérience enfantine puis amoureuse.

Le langage joue un rôle actif dans le sentiment d’emportement: l'hétérogénéité du genre, le collage d’éléments, l’écriture comme déambulation, les descriptions à la fois minutieuses et oniriques, le lyrisme des images subordonnées à la prose et l’oralité puissante sont une voie d’accès à l’inconscient et à la révélation de la dimension inconnue et infinie de la réalité[18]. À travers la recherche d’un nouveau langage « du polymorphe, de la métamorphose et par conséquent de l’éphémère »[19],cest un véritable exercice de style que nous livre Aragon : « un pareil ouvrage mériterait bien le nom d’exercice, voire d’essai expérimental, dont l’enjeu pourrait être de “piétiner” les frontières et les styles pour faire accéder le livre à mille voisinages inédits »[20]

Publications

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  • Aragon, Le Paysan de Paris, Éditions Gallimard, 1972, « Folio » , n° 782
  • Aragon, Le Paysan de Paris, [1926], Paris, Éditions Gallimard, 1948
  • Aragon, Le Paysan de Paris, Paris, Le Livre de poche, 1966
  • Aragon, Le Paysan de Paris,Paris, Éditions Gallimard, 2004, « Bibliothèque Gallimard », n° 137
  • Aragon, Le Paysan de Paris, Œuvres poétiques complètes, tome I, Paris, Gallimard, “Bibliothèque de la Pléiade”, 2007

Adaptations

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En 2012 Le Paysan de Paris, sous son titre original, a été adapté et mis en scène par Sarah Oppenheim à la [./https://fr.wikipedia.org/wiki/MC93_Bobigny Maison de la Culture 93 de Bobigny].

Annexes

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Bibliographie

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  • Aragon, Œuvres poétiques complètes, tome I, Éditions Gallimard, « Bibliothèque de la Pléiade », 2007
  • Aragon, Je n’ai jamais appris à écrire ou les incipit, “Les sentiers de la création”, A.Skira, Genève, Suisse, 1969
  • Barbarant, Olivier, La mémoire et l'excès, Seyssel, Champ Vallon, 1997
  • Forest, Philippe, Aragon, Paris, Éditions Gallimard, 2015
  • Garaudy, Roger, L’itinéraire d’Aragon,Gallimard, Paris, 1961.
  • Chénieux-Gendron, Jacqueline, Le Surréalisme et le roman,L’Âge d’homme, Lausanne, Suisse,  1983.
  • Decottignies Jean, L’invention de la poésie (Breton, Aragon, Duchamp), Lille, Presse Universitaire de Lille, 1994
  • Gindine, Yvette, Aragon prosateur surréaliste,Librairie Droz, Genève, Suisse, 1966.
  • Ishikawa, Kiyoko, Paris dans quatre textes narratifs du surréalisme : Aragon, Breton, Desnos, Soupault,L’Harmattan, Paris, 1998.
  • Meyer, Michel, Le Paysan de Paris d’Aragon, Paris, Éditions Gallimard, 2001
  • Piegay-Gros, Nathalie, « Le “Sens mythique” dans le Paysan de Paris », Pensée mythique et surréalisme, actes du colloque de Cerisy, dir. J. Chénieux-Gendron et Y. Vadé, Lachenal et Ritter, “Pleine Marge” 1996
  • Piegay-Gros, Nathalie, L’esthétique d’Aragon, Paris, Éditions SEDES, 1997
  • Vigier, Luc, Aragon et le cinéma,“Le cinéma des poètes”,  Nouvelles éditions Jean-Michel Place, Paris, 2016.

Liens externes

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  • Présentation de la pièce théatrale “Le Paysan de Paris” par Sarah Oppenheim saison 2012/2013, Maison de la Culture 93, Bobigny
  1. ^ Olivier Barbarant, « Chronologie », dans Aragon, Œuvres Poétiques Complètes, tome I, Gallimard, « Bibliothèque de la Pléiade », 2007, p. LXII
  2. ^ Aragon, Le Paysan de Paris, Paris, Éditions Gallimard, 1972, p. 240-241
  3. ^ Michel Meyer, Le Paysan de Paris d’Aragon, Paris, Éditions Gallimard, 2001, p. 17
  4. ^ Aragon, Le Paysan de Paris, Paris, Éditions Gallimard, 1972, p. 33
  5. ^ Aragon, Je n’ai jamais appris à écrire ou les incipit, Albert Skira, « Les sentiers de la création », 1969 ; rééd. Flammarion, «Champs », 1981, p. 53
  6. ^ Daniel Bougnoux, « Le Paysan de Paris, notice », dans Aragon, Œuvres Poétiques Complètes, tome I, Gallimard, « Bibliothèque de la Pléiade », 2007, p. 1249
  7. ^ Aragon, Le Paysan de Paris, Paris, Éditions Gallimard, 1972, p. 16
  8. ^ Daniel Bougnoux, « Le Paysan de Paris, notice », dans Œuvres Poétiques Complètes, tome I, Gallimard, « Bibliothèque de la Pléiade », 2007, p. 1249
  9. ^ Aragon, Le Paysan de Paris, Paris, Éditions Gallimard, 1972, p. 12 et p. 20
  10. ^ Aragon, Projet d'histoire littéraire contemporaine, [1923], dirigé par Marc Dachy, Gallimard, 1994, p.146
  11. ^ Ishikawa, Kiyoko, Paris dans quatre textes narratifs du surréalisme : Aragon, Breton, Desnos, Soupault,L’Harmattan, Paris, 1998.
  12. ^ Nathalie Piegay-Gros, « Le "Sens mythique" dans le Paysan de Paris », Pensée mythique et surréalisme, actes du colloque de Cerisy, dir. J. Chénieux-Gendron et Y. Vadé, Lachenal et Ritter, “Pleine Marge” 1996, p. 75
  13. ^ Aragon, Le Paysan de Paris, Paris, Éditions Gallimard, 1972, p. 15
  14. ^ Philippe Forest, Aragon, Paris, Éditions Gallimard, 2015, p. 222
  15. ^ Aragon, Le Paysan de Paris, Paris, Éditions Gallimard, 1972, p. 15
  16. ^ Piegay-Gros, Nathalie, L’esthétique d’Aragon, Paris, Éditions SEDES, 1997, p. 115
  17. ^ Aragon, Le Paysan de Paris, Paris, Éditions Gallimard, 1972, p. 237
  18. ^ Piegay-Gros, Nathalie, « Le “Sens mythique” dans le Paysan de Paris », Pensée mythique et surréalisme, actes du colloque de Cerisy, dir. J. Chénieux-Gendron et Y. Vadé, Lachenal et Ritter, “Pleine Marge” 1996, p. 77
  19. ^ Jean Decottignies, L’invention de la poésie (Breton, Aragon, Duchamp), Lille, Presse Universitaire de Lille, 1994, p. 109
  20. ^ Daniel Bougnoux, « Le Paysan de Paris, notice », dans Aragon, Œuvres Poétiques Complètes, tome I, Gallimard, « Bibliothèque de la Pléiade », 2007, p. 1264